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L’olivier, l’arbre fétiche de la Méditerranée

Le meilleur symbole de l’importance de l’olivier se trouve certainement sur le drapeau de l’ONU où la carte du monde est placée au centre d’une couronne de rameaux d’olivier. Il tirerait cette position honorifique de son origine géographique de la Méditerranée considérée comme le lac de la paix, mission principale, par ailleurs, de l’institution internationale. C’est dire si l’olivier est un patrimoine de l’humanité.
Si l’olivier est aujourd’hui principalement cultivé dans les régions de la Méditerranée, sa présence, selon le linguiste Mohand Akli Haddadou, est attestée même au Sahara où il est désigné par ahatim (du phénicien : zytim), comme en témoigne les oliviers fossilisés du Hoggar. Historiquement, les travaux des archéologues feraient même remonter les origines de sa domestication entre 3800 et 3200 avant Jésus-Christ. C’est aussi une des plantes les plus citées dans les religions monothéistes : Dans la Bible, « Noé accueillit la colombe tenant dans son bec un rameau d’olivier et lui annonçant la fin du Déluge ». Dans le Coran, l’olivier est évoqué comme « l’arbre béni » par excellence, et dont le fruit enrichit, nourrit, soigne et éclaire.
L’étude génétique des populations d’oléastres et des variétés d’oliviers montre cependant que cette domestication s’est produite dans plusieurs régions du bassin méditerranéen, et s’est très probablement réalisée sur une longue période. Athènes en a adopté le symbole pour ses armoiries. Mieux, Sophocle dans son «Oedipe à Colone» écrit : « Il est un arbre dont je n’entends pas dire qu’ait germé son pareil, soit en terre d’Asie, soit dans la grande île dorienne de Pélops ; arbre invaincu, arbre qui renaît de lui- même, terreur des lances de l’ennemi ; il croît surtout en ce pays : c’est l’olivier aux feuilles pâles, nourricier des enfants». En Andalousie, l’huile d’olive était utilisée à des fins alimentaires, cosmétiques, médicinales, pour la fabrication de savons, l’éclairage, la création de parfums grâce à l’alambic. Pendant le califat, il y avait de savants érudits dans la pharmacopée, l’alchimie, l’agriculture, la botanique et les mathématiques.
Parmi les érudits de cette époque, Ibn Rushd (Averroès), théologien, juriste et médecin musulman andalou, qui a écrit notamment « Kitâb al-kulliyât fî l-tibb » (Les généralités de la médecine ou Colliget) où il révèle l’importance du régime alimentaire et cite les avantages de l’huile d’olive et de ses utilisations culinaires. Depuis ces temps immémoriaux, l’olivier est considéré comme l’arbre fétiche chez les Berbères qui le nomment azemmur, dérivé peut être du verbe zmer qui signifie «pouvoir, être fort, résistant». C’est que cet arbre qui supporte les sols assez pauvres et secs, a besoin de chaleur des étés chauds et secs, et aussi de froid et de pluies.

A la question de Jean Pélegri au sujet de son arbre préféré, l’écrivain-anthropologue Mouloud Mammeri écrit ceci : « Il (L’olivier) est noueux, rugueux, il est rude. Il oppose une écorce fissurée mais dense, aux caprices d’un ciel qui passe, en quelques jours, des gelées d’un hiver furieux, aux canicules sans tendresse. A ce prix, il a traversé les siècles. Certains vieux troncs, comme les pierres des chemins, comme les galets de la rivière, dont ils ont la dureté, sont aussi immémoriaux et impavides aux épisodes de l’histoire ; ils ont vu naître, vivre et mourir nos pères et les pères de nos pères ». Et c’est ce climat que l’on retrouve tout autour de la Méditerranée. Quand on interroge les habitants de ces contrées montagneuses sur leur résistance physique, ils ne manquent pas de citer l’huile d’olive comme principale source de force et de bonne santé.

On pourrait ainsi citer encore des textes célèbres où l’olivier est non seulement cité mais vénéré, admiré, vanté. De la Grèce à l’Algérie, nous sommes entourés d’oliviers. Chaque fois qu’un citadin ou un émigré fait une virée dans son village, le point d‘honneur est de ramener, tel un trophée de chasse, quelques litres d’huile d’olive dont il ne manquera pas de rappeler que c’est la meilleure… du monde. Loin s’en faut, mais les croyances sont tenaces. 

Un quintal récolté par seconde dans le monde

Car si en Algérie, la production d’huile d’olive a connu pendant de longues décennies, des déboires dus à une production traditionnelle et artisanale voire familiale, l’olivier a toujours été un centre d’intérêt inégalable. Même si ne possédant qu’un seul olivier chétif, le montagnard de Kabylie ou du Djidjelli l’entoure toujours d’un soin parti- culier et d’une affection sans bornes.  Cet attachement prend toute son ampleur dans le film-culte « L’opium et le bâton » scénarisé par Mouloud Mammeri d’après son œuvre, reflète l’étroite relation d’amour et d’attache- ment, au sens propre et figuré, que portent les Kabyles à leurs oliviers. Cet arbre millénaire porte la mémoire de la communauté et de la région. Dans le bassin méditerranéen, l’olivier et son fruit s’inscrivent dans une tradition culturelle et civilisationnelle par excellence. Les Romains, au gré de leurs conquêtes guerrières, implantèrent des oliveraies sur l’ensemble du pourtour méditerranéen qu’ils avaient conquis, favorisant ainsi sa diffusion et sa pérennisation. Désormais, cet arbre robuste et nourrissant fait partie du patrimoine matériel et immatériel.

La culture de l’olivier dans le monde est d’environ 830 millions d’oliviers. La production d’huile d’olive est concentrée sur le pourtour méditerranéen : Espagne, Portugal, Italie, Grèce, Turquie, Tunisie et Maroc. A eux seuls, ces pays représentent plus de 90% de la production mondiale.  Mais aujourd’hui, on trouve des oliveraies au Proche-Orient, aux USA, en Amérique latine et même au… Japon. Selon les chiffres du Conseil Oléicole International à fin 2018, il a été récolté près de 100 kilos d’olives dans le monde chaque seconde, soit 3 135 000 tonnes d’olives récoltées pour faire de l’huile d’olive, et 2 751 000 tonnes d’olives de table. L’Algérie, sur une surface cultivée de 500 000 hectares a produit, durant la campagne 2017-2018, quelque 82 500 tonnes d’huile d’olive, soit une hausse de 31% par rapport à la saison précédente. Aujourd’hui, l’exploitation des oliveraies est passée à la vitesse supérieure. De familiale, elle devient « industrielle ». Le parfait exemple est illustré par l’exploitation oléicole pilote « Ezaraâ », à Sidi Ahmed, dans la wilaya steppique de Saïda. Considérée comme la plus grande d’Afrique du Nord, cette oliveraie s’étend sur 1200 hectares et produit annuelle- ment quelques 400 mille litres d’huile d’olive.