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Huile d’olive Taourga :
Un exemple du rajeunissement de la profession

Qui aurait imaginé qu’une série télé turque diffusée en 2015 puisse avoir un effet déterminant sur l’avenir professionnel d’un trentenaire de Taourga, une localité montagneuse de la wilaya de Boumerdes ? C’est la belle histoire de sa passion pour l’huile d’olive et du choix de vie avec l’olivier que nous raconte Adel Sadaoui.

Après des études spécialisées en charpente métallique et quelques temps passés à construire des ensembles industriels, le jeune Adel décide de changer de cap pour s’investir, corps et âme, dans ce qui fut son terrain de jeu d’enfance favori, l’huilerie familiale acquise en 2003. « Déjà, à 11 ans, se souvient-il, dès la sortie de l’école, je m’y dirigeais tout droit pour participer aux travaux avec mon père ». Au fil des années, à chaque saison oléicole, je surveillais chaque geste de mon père, j’écoutais sentencieusement chacune de ses réponses sur la façon de conduire la machine, de vérifier la température et l’eau, de choisir les olives… A cette époque, elle me semblait être un véritable mastodonte qu’il fallait dompter. Puis j’ai compris qu’il fallait plutôt la cajoler pour qu’elle nous offre cette belle huile qui fait ma fierté aujourd’hui ». 

En 2019, Adel décide de se consacrer exclusivement à sa passion pour l’olivier et prend alors les commandes de l’huilerie. Les belles images de la série télé d’antan qui avait pour décor, une huilerie moderne et sophistiquée, où la jolie couleur de l’huile d’olive produite et la délicatesse de sa mise en bouteille lui procurent encore et toujours ce sentiment indescriptible de joie et de fierté. 

Il a des projets plein la tête pour développer la marque qu’il vient de créer et du dynamisme à en revendre. Enraciné dans sa terre natale et sa culture de tradition berbère, l’appellation de sa marque d’huile d’olive a été évidente : Taouarga qui signifierait la fourmilière.   

Promue commune en 1985, Taourga, anciennement Horace Vernet, est située à l’extrême est de la wilaya de Boumerdes. Perchée à près de 800 m d’altitude, son territoire se constitue d’un relief montagneux surplombant la vieille ville de Dellys et la Méditerranée. Cette localité, à équidistance entre l’ancienne Rusuccurus (Dellys) et Iomnium (Tigzirt), aurait été habitée depuis l’époque numide, d’après les vestiges découverts en 1989, suite à un glissement de terrain. Une nécropole et des céramiques rappelant les rites mortuaires ainsi qu’un moulin à olives primitif y ont été révélés.

Sa population estimée à environ 10 000 habitants, répartie sur une dizaine de villages et de hameaux. Des champs d’oliviers, de figuiers et des vignobles s’offrent à notre vue alentour. Avec une superficie de 8 254 ha, l’olivier y occupe la deuxième place après la vigne.  La variété de raisins Dabuki ou Sabel, représente près de 70% de la production dans cette région à vocation agricole. De part et d’autre de la route qui monte, nous remarquons aussi un nombre considérable de poulaillers qui confirme que l’élevage du poulet de chair est également une activité importante dans la région.

Notre GPS annonce que nous arrivons enfin à Bouhbachou. Une pancarte indique un petit chemin vers l’entrée de l’huilerie Saadaoui. Adel nous y accueille avec son sourire permanent et nous fait la visite du propriétaire.

Comme la saison de la cueillette des olives va commencer dans quelques jours, Adel et Omar son fidèle ouvrier, ont entamé le nettoyage de la machine, une Pieralisi dont il prend grand soin. Adel, accompagné de quatre ouvriers saisonniers, qui tient à sa machine comme à la prunelle de ses yeux, devient le chef d’orchestre qui donne la mesure, jour et nuit, voire comme il souligne lui-même, « l’homme à tout faire ! ». Une huilerie moderne permet une maîtrise facile du process, oblige à avoir une hygiène parfaite, offre un meilleur rendement avec moins de pertes, les ingrédients indispensables pour la production d’une huile d’olive de qualité.

Il nous confiera qu’il envisage de faire quelques aménagements pour agrandir la surface de réception des quintaux d’olive d’autant plus que la récolte de cette année s’annonce fructueuse. Les données que nous avons recueillies auprès de certains regroupeurs de matière première des régions pourvoyeuses de cette denrée sont au beau fixe. Reste cependant qu’en l’absence d’une véritable régulation par l’Etat, la mercuriale des prix est anarchique et n’obéit pas aucunement à la loi de l’offre et la demande. Pour certains experts, l’Etat devrait instaurer une sorte d’argus des prix référentiels et créer des marchés de gros pour les olives. Cette matière première inestimable reste pour l’instant la seule qui est vendue sur le tas, presque par le bouche à oreille…  

Adel nous confie que l’ambition de produire de la qualité et surtout de commercialiser de l’huile d’olive vierge extra est ancrée en lui, et ce, malgré les nombreux aléas auxquels l’oléifacteur est confronté. Il se dira presque navré de devoir faire de la prestation pour autrui pour pouvoir vivre de son métier. « Ici, les gens recherchent de l’huile traditionnelle au goût doux, pensant que c’est cela l’apanage d’une bonne huile d’olive. Quand j’ai produit de l’huile vierge extra, beaucoup de mes clients n’ont pas apprécié cette huile verte et piquante ». En tous les cas, Adel ne se déclare pas du tout vaincu ni convaincu de ce « rejet ». Il persiste dans son objectif primordial de confectionner de l’huile vierge extra, à l’image de son idole de la même région, M. Kiared propriétaire de la marque Baghlia, qui caracole sur tous les podiums des concours internationaux les plus cotés.

En bon universitaire féru de connaissances et d’expériences nouvelles, nous confie vouloir participer au concours Apulée de la meilleure huile d’olive vierge extra algérienne organisé chaque année par SM Global Agro. « Je veux évaluer mes capacités et tester mon savoir-faire dans la production d’une huile d’olive vierge extra de qualité».  

En 2022, il n’a pas hésité à prendre la route avec armes et bagages pour aller se confronter à ses confrères au Salon International de l’Olivier au Centre des conventions d’Oran. « Une expérience très enrichissante sur le plan de l’échange avec la clientèle, des méthodes d’approche et de commercialisation, du marketing aussi », nous confiera Adel qui ajoutera que « ces aspects sont souvent négligés par les producteurs, alors que c’est l’ultime but pour tout produit fabriqué ».

La soif d’apprendre et de développer son savoir-faire est permanente puisque Adel a encore une fois repris le chemin de l’école pour une formation d’initiation en analyses sensorielles de l’huile d’olive à Alger sous la direction de l’experte tunisienne Mme Samira Sifi Lachkham.      

Le parcours de Adel dans le secteur de l’oléiculture n’est pas si singulier, c’est celui de nombreux jeunes entrepreneurs ambitieux, sérieux, cultivés et avec un amour incommensurable pour l’olivier, et qui ne demandent qu’à apprendre et à travailler pour un développement normalisé de la filière, pour le bien de tous.

 

Par Farid BENAHMED