Trois perches et puis s’en vont…
Quels sont les objectifs, à court, moyen et long terme du plan de développement et de protection de la filière oléicole ?
Et les chiffres avancés jusque-là sont-ils raisonnables par rapport aux objectifs tracés ?
C’est ce à quoi a tenté de répondre la conférence nationale organisée sous le thème : « l’oléiculture face au défi actuel…, changement climatique, sécurité alimentaire et développement durable », organisée à l’Institut National de la Recherche Agronomique d’Algérie – INRAA.
Une occasion pour le Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural, pour souligner que « ce programme de développement était axé sur la revalorisation de la richesse oléicole à travers les nouvelles plantations et l’élargissement de leurs surfaces, l’intensification de l’oléiculture par l’irrigation, l’amélioration des techniques de production et une meilleure utilisation de la mécanisation agricole spécialisée ».

Par Samir GANI
Directeur de la publication
Cependant, des questions légitimes sont posées par les intervenants dans la filière oléicole, lassés des effets d’annonce. Pour rappel, en l’an 2000, un programme d’un million d’hectares d’oliviers avait été lancé en grandes pompes ! Résultat : 23 ans après, à peine 25 % a été réalisé… En avril 2021, l’APS publiait une annonce similaire : un programme de 400.000 hectares d’oliviers en cours de réalisation à l’échelle nationale, qui porterait la superficie totale dédiée à cette filière à 900.000 hectares à l’horizon 2024. On est presque en 2024 mais…..
Selon les chiffres avancés lors de cette conférence, il semblerait même qu’on a revu à la baisse la superficie de la culture des oliviers existante en Algérie qui serait repassé à 440.000 hectares soit 60.000 hectares de moins. Y a-t-il eu un recensement sérieux et correct à ce sujet au moins depuis 2016 ?
Du point de vue des infrastructures scientifiques et techniques, l’Algérie est toujours absente de la liste des laboratoires d’analyses sensorielles publiée par le Conseil Oléicole International (COI).
Pourtant, on se souvient bien qu’un laboratoire public d’analyses sensorielles avait été inauguré en 2019 et même deux fois durant la même année. Même chose concernant les laboratoires d’analyses physico-chimiques sachant qu’aucun n’a été accrédité conformément à la 17025 ni agréé par le COI ?
De ces facteurs découlent l’état de la production d’huile d’olive et des olives de table. Mais à combien s’élève donc la production moyenne d’huile d’olive en Algérie ? Chacun avance son chiffre. D’où un écart flagrant entre le chiffre de 100 millions de litres avancé par le MADR ( NDLR : les chiffres doivent être mentionnés en milliers de tonnes et non pas en millions de litres) et l’Etude de consommation réalisée par le PASA (programme d’appui de l’UE au secteur agricole en Algérie) qui est arrivé à la conclusion que l’Algérien consomme une moyenne de 6 litres/an, soit l’équivalent de 270 000 tonnes.
De son côté, une étude réalisée par le Ministère de l’Industrie avait conclu que l’Algérie produisait, en moyenne, 240 000 tonnes d’huile d’olive.
La question cruciale s’impose d’elle-même : la production moyenne en Algérie est-elle de 100 000 tonnes, 240 000 tonnes ou 270 000 tonnes ? On aurait souhaité que des éclaircissements soient demandés par la tutelle aux deux parties présentes qui ont avancé des chiffres d’une manière très contradictoire et même pouvant susciter la controverse.
Par ailleurs, en marge de la Conférence, s’est tenue une exposition où le Ministre de l’agriculture a eu droit à une mascotte « CosmOlive » qui lui a présenté 3 perches de cueillette d’olives et 3 OxiTesters offerts ce jour-là aux chambres d’agriculture et autres instituts !!!
Mais que va faire une chambre d’agriculture avec ça ? Il parait que c’est dans un but pédagogique en direction des oléiculteurs, pour les former à allumer un interrupteur… et orienter la perche vers les rameaux d’oliviers ! L’oléiculteur est bien plus intelligent que ça, et ce dont il a besoin, c’est une assistance, des formations, des encouragements et une petite subvention pour acquérir ces perches qui lui faciliteront le travail dans les champs…
Quant à l’OxiTester, un système d’analyse de l’huile d’olive utilisé au niveau de l’huilerie n’a pas besoin d’un personnel spécialisé pour l’utiliser. Une table et une prise de courant et l’oléifacteur peut analyser l’acidité, les peroxydes, les polyphénols et l’indice de stabilité d’une manière très pratique et rapide. Quant aux réactifs, ils sont pré-remplis et prêts à l’emploi.
Ceci pour dire que les instituts de recherche n’ont pas besoin de ces OxiTesters. A l’inverse des oléifacteurs qui « rêvent » que ce genre de matériels soit subventionné et intégré dans le plan de développement du secteur. Quant aux instituts de recherche, leur souhait est qu’ils soient équipés de vrais laboratoires d’analyses physico-chimiques, de laboratoires d’analyses des contaminants, de laboratoires de métrologie… dignes de ce nom, sans parler de l’accompagnement nécessaire pour se faire accrédités et agréés par le COI… comme c’est le cas dans tous les pays producteurs.
Il aurait été plus judicieux pour les organisateurs de profiter de la présence du Ministre pour aborder l’état d’avancement des laboratoires d’analyses physico-chimiques et d’analyses sensorielles implantés au niveau de l’ITAFV de Sidi Aïch, notamment dans ses volets acquisition du matériel, formation du personnel, accréditation par ALGERAC, agrément par le COI…
Cette Conférence sur le plan de développement et protection de la filière oléicole, n’est en fin de parcours qu’une rencontre de quelques « acteurs » choisis de la filière oléicole qui, ne sachant plus à quel saint se vouer pour cacher les déboires d’un secteur délaissé par eux, tentent de cacher le soleil avec un tamis…
